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L’alarme n’a pas sonné ? La responsabilité des sociétés de télésurveillance

Dernière mise à jour : 11 oct.

Marie-Cécile Laurens


Selon les chiffres diffusés par le ministère de l'Intérieur au mois de juin 2024, entre 2022 et 2024 les vols avec effraction sont en hausse de 14 % en France, avec plus de 220.000 cambriolages sur les 12 derniers mois.

 

Cela revient à 600 cambriolages par jour, soit l’équivalent d’un vol à domicile toutes les trois minutes.

 

On ne compte plus le nombre de cambriolages ou tentatives relayés par les rubriques des faits divers de la presse. Des bandes organisées se spécialisent même dans les seuls domiciles de célébrités, ce qui contribue à alimenter d’autant la médiatisation du phénomène. Et encore au mois de septembre, une jeune fille de 13 ans a été ligotée par deux individus, qui se sont introduits dans l’appartement parisien de sa famille avant de le dévaliser. Le 16 septembre 2024 une enquête a été ouverte et confiée à la police judicaire pour vol en bande organisée avec arme et séquestration.

 

Contrairement aux idées reçues, le risque de cambriolage serait plus important dans les communes de plus de 20.000 habitants, et encore davantage dans les villes de plus de 100.000.

 

Face à cette recrudescence, le marché de la sécurité à domicile connaît une expansion significative en France. Avec une croissance annuelle de 10 %, ce secteur, qui représentait 1,2 milliard d’euros il y a deux ans à peine, voit de plus en plus de Français et d’entreprises investir dans des dispositifs destinés à assurer la sécurité de leurs biens. Alarmes filaires et sans fils, alarme à distance, vidéosurveillance, domotique… l’offre se diversifie, mais c’est la télésurveillance qui semble remporter les suffrages.

 

A grand renfort de publicités intensives des prestataires, de chansons célèbres revisitées, de façon parfois discutable, et du recours à des personnalités publiques pour en faire la promotion, la télésurveillance s’est imposée comme le moyen dissuasif et indispensable.

 

Grâce à un système d’alarme connecté et relié à un centre de surveillance 24h/24, la télésurveillance est supposée veiller à distance sur votre domicile ou votre entreprise, et réagir rapidement en cas d’effraction. Mais de jour comme de nuit, les techniques des cambrioleurs sont de plus en plus aguerries : coupures d’électricité, brouilleurs, etc. ils ne reculent que devant peu de choses.

 

En réponse, les sociétés de télésurveillance élargissent toujours plus l’arsenal de leurs systèmes : détecteurs de mouvements, détecteurs de chocs et d’ouverture, diffusion d’un brouillard anti-cambriolage etc.

 

Elles redoublent d’efforts pour vendre leurs produits et leurs promesses sont grandes. Mais parfois, les promesses ne sont pas tenues.

 

Quelle responsabilité pour les sociétés de télésurveillance ?

 

Qu’en est-il si votre alarme n’a pas fonctionné ? Qui sera responsable, in fine, des préjudices que la victime subit ? La responsabilité civile de la société de télésurveillance pourrait-elle être engagée en pareil cas ?

L'article 1231-1 du Code civil énonce que, hors des cas d'exécution forcée de l'obligation, le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts en cas d'inexécution ou du retard dans l'exécution de l'obligation.

 

Un client est lié à la société de télésurveillance par un contrat. La responsabilité contractuelle suppose :


  • la violation d’une obligation contractuelle, ce qui, en cas de défaillance, suppose d’engager la responsabilité de l’auteur, qui sera plus ou moins étendue selon l’intensité de l’obligation mise à sa charge ; cette responsabilité sera en effet plus ou moins étendue selon que l’on considère que la partie n’avait qu’une obligation de moyens ou au contraire une obligation de résultat.

 

  • un lien de causalité entre le dommage et le manquement contractuel.

 

Chaque partie supporte en l’occurrence différentes obligations en vertu du contrat signé. L’obligation principale du client consiste dans le paiement de la prestation convenue, tandis que l’obligation principale de la société de télésurveillance consiste dans le bon fonctionnement de son installation.

 

Les responsables de sociétés de télésurveillance le savent bien, si leur système n’est pas une garantie absolue contre les intrusions, dans pareil cas, la question de leur responsabilité sera la première envisagée par la victime.

 

Quelle étendue pour la responsabilité les sociétés de télésurveillance ?

 

Les personnes équipées, qui sont victimes d’un cambriolage ou d’une tentative, se retournent parfois contre le professionnel de la télésurveillance avec qui ils ont contracté. En réponse, ces professionnels tentent de se dédouaner derrière l’obligation de moyens qui serait, d’après eux, la seule dont ils seraient débiteurs.

 

Depuis 2016, la réponse de la Cour de cassation atténue cependant leur position.[1] Elle rappelle que « tout abonné à la télésurveillance est en droit d’attendre de l’installateur d’un système de télésurveillance qu’il fonctionne parfaitement ». La haute juridiction considère ainsi que la société est soumise à une obligation de résultat pour la détection des intrusions, le déclenchement de l’alerte et sa gestion. Aussi, à la suite d’un vol ou d’une tentative, sa responsabilité pourrait être engagée sans que le client n’ait à prouver une panne du système.

 

Ainsi, l’entreprise de télésurveillance n’a d’autre possibilité de défense que de rapporter la preuve du bon fonctionnement du système ou que sa défaillance est due à une cause étrangère à sa prestation.

 

Les sociétés de télésurveillance sont donc débitrices d’une obligation de résultat quant au seul bon fonctionnement de leur installation.

 

Cela a encore été rappelé récemment dans une décision de la Cour d’appel d’Angers du 5 mars 2024, en vertu de laquelle « l’installateur d’un système d’alarme est tenu d’une obligation de résultat pour ce qui concerne le fonctionnement de cette alarme, et notamment le déclenchement des signaux d’alarme ».[2]

Autre dit, le simple fait que l’alarme n’ait pas fonctionné, en cas d’intrusion, permet d’engager la responsabilité de la société de télésurveillance.

 

De plus, la société qui vend et installe un système d’alarme et de surveillance supporte également une obligation d’information et de conseil. Elle doit nécessairement s’attendre à ce que tout cambrioleur qui tente de s’introduire dans les lieux cherche en premier lieu à neutraliser le système en place. Il lui appartient donc de choisir l’implantation des matériels sur le site, en particulier celle de la centrale d’alarme, pour éviter qu’il soit porté atteinte, en cas d’intrusion, immédiatement au bon fonctionnement du système.

 

Il pèse donc sur le professionnel de la sécurité une obligation d’information et de conseil quant au placement de la centrale d’alarme dans les lieux à sécuriser.

Pour rappel, c’est au débiteur de l’obligation de conseil qu’il revient de rapporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation.[3]

 

Un avocat compétent en matière de responsabilité civile pourra analyser les obligations du prestataire listées par le contrat, afin de déterminer lesquelles ont pu être violées.

 

Quel préjudice des victimes de cambriolage ou de tentative de cambriolage ?

 

Une fois la question de la responsabilité tranchée, il convient de s’intéresser au dommage indemnisable. Quel est votre préjudice ?

 

Le cambriolage, en lui-même, ne relève bien entendu pas de la responsabilité de la société de télésurveillance, qui n’est pas tenue d’éviter une intrusion et en conséquence d’indemniser la victime du vol.

 

En revanche, elle pourrait être débitrice d’une indemnité au titre de la perte de chance de la victime :

 

  • d’éviter le cambriolage, puisqu’en effet, le voleur qui entend une alarme sonner à tue-tête peut prendre peur et partir sur le champ,


  • et, à tout le moins, d’en avoir minimisé les conséquences, dès lors que les forces de l’ordre sont prévenues, le voleur sait qu’il dispose de très peu de temps devant lui pour s’enfuir.

 

Les statistiques sont éloquentes, particuliers et entreprises sont tous les jours un peu plus exposés à des risques forts de vol et de vandalisme, dont les conséquences économiques peuvent être très importantes.

 

Il est donc impératif d’être bien assuré, de veiller à ce que les garanties prévues par les polices d’assurance soient bien adaptées au risque et que les mesures de protection contractuellement imposées sont effectivement mises en œuvre.


[1] Cass. civ. 1re, 6 juillet 2016, n°15-21-767

[2] CA d'Angers, ch. civ., 5 mars 2024, n°20-00060

[3] Cass. 1re civ., 30 janv. 2007, n°06-11.749.

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